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La mémoire inconsciente

La mémoire se divise en deux compartiments

La mémoire explicite, constituée des souvenirs anciens et récents accessibles à la conscience divisée en : Mémoire à court terme, Mémoire à long terme.

Cette mémoire permet de raconter, de relater des évènements de vie (mémoire épisodique ou auto-biographique). Elle comprend également le savoir, les connaissances et concepts dont s’est enrichie la pensée, les outils de la réflexion abstraite (mémoire sémantique)

La mémoire implicite, elle, n’est pas directement accessible. Elle est composée de tout ce dont nous nous rappelons, sans nous en souvenir.

Un grand nombre de souvenirs sont entrés dans l’Inconscient, pour toujours. Ainsi en est-il, la plupart du temps, des vécus de la petite enfance, avant l’âge de 7 ans. Rares sont ceux dont la remémoration est possible. C’est l’amnésie infantile. Or, ces souvenirs ne sont pas effacés. Présent en nous, leur contenu émotionnel et refoulé agit sur nos fonctionnements à notre insu. Ces réminiscences actives constituent le ferment de nos actions, et ont laissé des traces durables, indélébiles. Chargées affectivement, elles apparaissent dans nos symptômes, dans nos actes manqués, dans les motivations en profondeur de nos actes. Elles sont aussi dans nos rêves.

Ainsi, chaque nuit, nous nous rappelons à notre insu notre passé sans nous en souvenir. (Roland Gori)

Les goûts, les choix, les fonctionnements, les répétitions de comportements de l’âge adulte sont conditionnés en grande partie par ce refoulé, inaccessible directement à la conscience.

En effet, comment imaginer que ce terreau des premières sensations, des émotions fortes et chaotiques, de la gestion du pulsionnel infantile par l’entourage puisse ne pas laisser de traces en profondeur ?

Ces vécus oubliés mais non effacés, sont travaillés, transformés, et réactualisés par l’activité psychique, en permanence. Les résonances de ces traces mnésiques avec les évènements du présent  activent et brassent sans cesse leur chargement  affectif vivace. C’est ainsi que notre histoire ancienne, bien que partiellement ou complètement oubliée, œuvre dans l’ombre.

Le processus mémoriel soumet le matériau des souvenirs à des forces psychiques nombreuses, dont celle qui entraine l’oubli (refoulement).  L’oubli fait partie intrinsèque de la mémoire. Il en est un aspect, non une tare.

De plus, chaque nouvel évènement vécu et par conséquent mémorisé entraine une reformulation de l’ensemble.

Le travail psychique reconstruit les vécus mémorisés. Le souvenir est un reflet flou, imprécis et déformé du réel. Il est facile de constater par exemple qu’évoquant un évènement passé, nous nous voyons agir comme si nous étions extérieurs à nous-mêmes. Ceci montre que le psychisme ne reproduit pas le réel, mais en élabore une représentation.

Les neurosciences corroborent l’idée de l’empreinte émotionnelle des premières années de la vie. L’amygdale cérébrale est le centre de cette mémoire implicite, structure impliquée particulièrement au niveau émotionnel. Or, l’amygdale, la plus ancienne formation du cerveau (et la plus archaïque du point de vue de l’espèce) est en activité dans la petite enfance, bien avant les structures de la mémoire explicite ( dont l‘hippocampe) qui se construisent et deviennent matures les années suivantes. Ceci explique aussi pourquoi cette mémoire très ancienne est aussi vivace.

Dans la mémoire implicite se trouvent les sources des symptômes, des répétitions compulsives qui contiennent et enferment l’élan vers l’évolution personnelle.

La répétition existe tant que la pulsion refoulée ne trouve aucun écho dans le conscient. En effet, fixée à une période du développement infantile, la pulsion non élaborée car profondément remisée dans l’inconscient, ne s’est pas transformée, n’a pas trouvé de sortie symbolique. Elle  insiste donc, dans sa version archaïque, soumise à la contrainte du refoulement et voulant en même temps à tout prix se soulager. Elle se manifeste sous forme de retour à l’identique, laissant au sujet la désagréable impression d’un sur-place, sans que la volonté n’y puisse rien.

 La répétition est, elle aussi, une forme de mémoire. Elle est une manière de rappeler le passé par l’éternel retour du même… Elle présentifie une histoire sans souvenir (Marylin Corcos)

Toutes ces mémoires ont des connexions entre elles.

C’est la raison pour laquelle on peut agir sur les équilibres et libérer des mémoires inconscientes.

Ainsi, en psychanalyse, lever les secrets de la mémoire implicite entraine l’enrichissement de la mémoire explicite. Une partie des éléments refoulés transite par le seuil du conscient et entre en interaction avec les autres souvenirs déjà présents. La mémoire parcellaire du conscient se reconstitue de façon plus linéaire, des pans entiers restés dans l’ombre s’éclairent.

La répétition inconsciente laisse place à une construction pleine de sens, à un récit continu, donnant l’impression que des ‘morceaux du puzzle s’assemblent’ selon une formule souvent utilisée par les analysants. Cela correspond à un profond besoin chez l’humain de se repérer dans son histoire de vie, de considérer l’avant, pour envisager l’après. La mémoire autobiographique contribue à la symbolisation nécessaire pour dépasser les points de fixation dans l’histoire de vie.

Nos souvenirs sont en partie fantasmés, en partie oubliés, car ils font l’objet d’un travail psychique constant. Leur intégration dans les différentes mémoires et leur symbolisation contribuent à affirmer notre sentiment d’identité personnelle.

 

Références :

 Dans Cliniques méditerranéennes 2003/1 (no 67), p 100 – 108

Carnet PSY 2008/3 (n° 125), p. 32-35.

Prendre soin de son « moi »

Si l’on a souffert d’un sentiment de ne pas être reconnu, ou d’incompréhension. Si on s’est senti rejeté, injustement traité. Si l’on a subi des traumatismes, des manques affectifs, si l’on n’a pas vécu une enfance épanouissante, ou si l’on a vécu une cassure venant briser le centre de soi…si l’on a entendu des cris, si l’on a été négligé, si l’on ne sait pas pourquoi on était là..

Toutes ces expériences créent des blessures immenses, dont la souffrance est enfouie. Cependant, le refoulé ne disparaît pas, il est toujours agissant. Le psychisme n’oublie rien. L’individu alors s’enferme dans une carapace, créant des comportements de défense, vis-à-vis de ces blessures. Il construit des attitudes de rigidifications, visant à éviter à tout prix de se confronter à toute situation risquant de réveiller la peine issue de l’élan brisé. Pour ne pas souffrir à nouveau. Ainsi, il va vivre à côté de lui, n’étant pas lui-même, pas totalement lui-même.

« Ces diverses expériences de non reconnaissance amènent un être à conclure qu’il ne peut pas vivre en étant lui-même. Le sens profond de la maladie est là, presque toujours. (Guy Corneau, Revivre !)

Un trouble va naitre. En effet, cette partie de soi oubliée, négligée, dont on n’a pas pris soin, va s’étioler, se désagréger.

Le prix à payer, est la maladie, d’être ou de corps.

La maladie montre une désunion d’avec soi, un déséquilibre. L’harmonie qui préside est rompue.

L’être est globalité avant tout.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de prendre soin de soi.

Quelle que soit l’entrée : corps, énergie, psychisme, la technique sollicitée, le professionnel consulté, tout travail sur soi permet de prendre un peu de recul et de se rendre compte que l’on peut améliorer sa vie, la rendre meilleure.

Il s’agit aussi de savoir manœuvrer les forces en soi qui sombrent, qui ne veulent pas évoluer, voire qui œuvrent en sourdine pour la destruction !

Ne pas les laisser dans l’ombre, ni aux commandes.

Il s’agit donc de réveiller les forces de régulation, de réparation, qui se sont endormies, inhibées suite aux traumas vécus.

En effet, toute guérison, toute amélioration d’être, est due à l’activation de l’auto-guérison, à la stimulation de la capacité autonome de rééquilibrage propre aux  fonctionnements psychiques et physiques.

La reconnaissance, en soi, pour soi, des souffrances niées et enfouies est la condition première pour commencer à être vraiment soi.

Toute souffrance intense et durable engendre une dissociation psychique. Une partie du psychisme fait comme si l’autre partie, la souffrante, la malade, n’existait pas. Celle-ci s’enferme dans le non-dit. Une barrière invisible l’entoure et l’empêche d’être au jour. Avec elle, c’est une part de soi qui s’isole et s’anéantit.

Le dialogue avec l’inconscient est nécessaire pour faire réunir ces morceaux disparates de la psyché.

La psychanalyse permet la fluidité entre conscient et inconscient. Elle place la reconnaissance du sujet au centre de son dispositif.

La faculté de réparation provient du sujet lui-même, de sa renaissance à lui-même, dans une place enfin occupée.

C’est une thérapie par la mise en valeur du moi.

Un moi qui s’est ouvert et a quitté ses compulsions de défense, qui l’enfermaient dans une attitude figée. Un moi qui n’est plus replié sur ses peurs.

La fluidité apporte le mouvement, la possibilité de l’action. Elle permet à la force vitale, au désir de vie de se propulser à l’extérieur. Sans cette fluidité, des cuirasses psychiques, et physiques se mettent en place.

Un moi qui occupe le centre de l’être, et peut regarder autour de lui avec bienveillance,  inter-agir en combinant indépendance et accomplissement, se relier en gardant sa liberté d’être.

« La santé est globale, elle inclut le corps, l’âme et l’esprit. » (Guy Corneau, Revivre.)

Il s’agit de découvrir le sens de ce qui nous arrive. Un sens est découvert quand il parle à notre conviction profonde, intime. Cela arrive comme un éclairage subit, suivi d’un soulagement émotionnel. La conscience s’enrichit. A chaque situation, à chaque évènement ne correspond pas un mais plusieurs sens. Ils sont à cueillir au fur et à mesure de l’avancement, et viennent se mutualiser, renforcer l’élaboration globale.

Le chemin vers les prises de conscience, en ramenant du mouvement intra et interpsychique, conduit à la sortie de l’impasse où nos peurs nous ont enfermés. Une nouvelle circulation s’instaure, ce qui était fixé se dénoue, la vision des choses en est modifiée.

Suite à ce travail de conscientisation, l’harmonie entre ressenti et action est rendue possible. L’action juste, issue de la synthèse entre le ressenti et la réalité extérieure, ancre le sujet dans sa vie. Elle lui permet l’incarnation de ce qu’il est vraiment.

L’Inconscient

Comment parvenir à la connaissance de l’Inconscient?

Nous n’y avons accès que par le Conscient, après qu’il ait transformé, traduit l’Inconscient. Ceci se travaille en analyse, mais, pour l’analysant, non sans avoir surmonté des résistances, autrement dit les forces poussant à garder refoulées les motions inconscientes pour les empêcher d’accéder au Conscient. La partie inconsciente du psychisme se décrit selon trois points de vue :

– le point de vue dynamique : le psychisme comprend tout ce qui a été formé par l’ Inconscient, dans le but de construire un compromis avec la réalité. Les vécus mémorisés et les pulsions du ça, forment un ensemble synthétisé, que l’on appelle « les formations de l’Inconscient », qui s’expriment à l’extérieur sous forme de symptômes, oublis et autres actes manqués, ainsi que toutes les pensées, associations, affects, dont l’élaboration échappe au conscient, se reflétant dans les comportements, habitudes, émotions, pensées.

– le point de vue topique : Il s’agit de systèmes de fonctionnement dont les forces opposées créent une tension permanente. Equilibre et déséquilibre se succèdent. Le refoulement est une sorte de censure qui sépare l’Inconscient du Conscient. De nombreuses représentations de l’enfance ont ainsi été refoulées, en raison des multiples contraintes imposées par le Moi et le Surmoi.

Cependant, les affects liés aux représentations inconscientes, quant à eux, cherchent à se libérer du joug du refoulement. « Le refoulement agit par le retrait d’investissement des représentations tandis que l’affect libéré se transforme en angoisse ». Le “retour du refoulé” prend différentes formes, par exemple substitutives, comme la phobie.

La cure par la parole, en psychanalyse, permet d’amener au conscient ces motions refoulées, sous forme de traces mnésiques, pour les intégrer aux autres contenus, ce qui revient à désactiver ainsi leurs charges négatives et les prive de leurs propensions à s’amalgamer coûte que coûte à des représentations actuelles. Tant que ces contenus inconscients investissent pulsionnellement les contenus actuels, il n’y a pas de possibilité de faire varier durablement et profondément les choses. Il existe plusieurs mémoires, et la psychanalyse œuvre à la mise au jour de ces traces mnésiques infantiles oubliées, déchargeant ainsi les pulsions fixées, et permettant la transformation des registres d’investissement du réel. Les mots ont une charge symbolique très forte, en rapport avec les nœuds inconscients, d’où l’efficacité des cures par la parole.

– le point de vue économique : « Il rend compte des investissements, des rapports de force et du travail de transformation. Le refoulement des représentations inconscientes est maintenu par les contre-investissements. Selon l’avantage pris par le pulsionnel ou par les défenses, on distingue les formations substitutives (la phobie), les formations de compromis (la conversion hystérique), et les formations réactionnelles dont, par exemple, les traits de caractère. »

Dans le noyau de l’inconscient, les “motions pulsionnelles » sont coordonnées les unes aux autres, existent sans être influencées les unes à côté des autres, ne se contredisent pas entre elles.