Nous espérons voir le bout du tunnel, la lumière au fond, qui commence à apparaitre, qui grandit au fur et à mesure de l’avancée de nos pas vers elle.
Le confinement, évènement intime et collectif, s’apprête à se transformer, portant le nom de déconfinement. Evènement personnel et social, lui aussi. Quelques libertés de mouvement sont accordées, une possible resocialisation, mais avec des distances à respecter, l’absence de contact des peaux, ‘gestes barrières’; désinfectants et autres gels hydroalcooliques à profusion, masques chirurgicaux …expérience sanitaire plus que sociale. Et bien sûr, le tout accompagné de l’angoisse liée à la recrudescence des contaminations, donc à la possibilité d’ « attraper le virus », qu’il vienne habiter en nous, qu’il colonise nos cellules, nos voies respiratoires.
Le déconfinement, une attente, un mouvement suspendu.
Ce ‘déconfinement’ est tout autant source d’espoir que de crainte. Nous sommes comme le papillon qui va émerger de la chrysalide. Dans quel état allons-nous être ? nous nous apprêtons à déployer nos ailes, à investir un espace extérieur qui était devenu interdit. A augmenter notre déploiement, après nous être repliés sur nos intérieurs, nos activités intimes, moins exposés au regard et à la représentation sociale.
Chacun questionne le concept de liberté, mis à mal depuis les lois d’urgence sanitaire qui ont instauré un régime de contraintes. Chaque geste et mouvement est pensé, examiné, remis en cause. Tout comportement placé sous surveillance. L’élan vers l’autre doit être réfréné, la spontanéité n’est pas de mise. La distance physique accompagne toute communication avec autrui. Les déplacements sont restreints, avec un chiffre annoncé, objet de toutes les spéculations, comme si chacun aussitôt avait envie de tester la limite qui lui est imposée. On a droit à 100 kms, allons regarder jusqu’où ça nous mène ? jusqu’où je peux aller, de chez moi, en parcourant 100 kms ?
Tout cela nous dit que la liberté retrouvée n’est pas pour maintenant.
« Je veux être sûr de pouvoir marcher dans mon monde, sans drones au-dessus de ma tête, sans camera braquée sur ma maison, sans espion numérique dans ma poche ». Jacques Drillon (Je veux, tracts de crise N°67 Gallimard)
Mais face à ce sacrifice organisé et imposé de notre pouvoir de liberté, si chère et si ambitieuse, se trouve la sauvegarde de la vie et la nécessité fondamentale de protection. L’ensemble des sociétés humaines a semble-t-il choisi la considération pour l’être, au détriment même de l’économie. Le soin à autrui est une valeur supérieure, qui conduit l’esprit des lois et des recommandations. Se préserver et préserver autrui. La solidarité est, de fait, valeur suprême.
« notre confinement est une défense de la vie » Edgar Morin (Un festival d’incertitudes, tracts de crise N° 54 Gallimard)
Entre les deux, nous oscillons : parfois, l’énervement gagne : les obligations restrictives commencent à peser. Parfois, se sentir protégé par et dans nos intérieurs, encore quelques temps, nous rassure.
Cependant, nous en sommes certains : nous allons sortir progressivement. Quitter le cocon bien douillé, l’assurance de ne pas attraper la maladie, la tranquillité des jours monotones, le silence dans le ciel, et autour, la cour d’école vide, comme en vacances. Ce n’est pas si simple
Ce retour à la vie extérieure doit être accompagné de précautions. Comme toute naissance, il est aussi un traumatisme. Dans l’espace privé s’est créé un espace psychique de protection. Sa préservation est essentielle, afin de ne pas vivre les inévitables sources de stress revenu comme des invasions brutales qui désarçonnent le sentiment de sécurité. Un retour progressif, choisi, devrait avoir lieu, pour éviter que la peur prenne le dessus, pour ne pas donner prise à l’angoisse.
Le désir d’autre chose
Ce rétablissement très partiel de notre autonomie, ne peut masquer un désir d’ « autre chose », en profondeur : Désir d’on ne sait trop quoi, de mouvement, d’horizon différent, d’échanges sans écrans, surtout désir de renouveau. Sentir l’existence de ce désir, en sourdine, en filigrane. Un désir qui n’ose se montrer, sa possible réalisation étant pour plus tard, on ne sait pas quand, on ne sait pas comment.
Il est difficile de se projeter vers l’avenir: seule certitude, la suite est pleine d’incertitudes, dans tous les domaines. Et rien ne sera tout à fait comme avant, malgré notre désir, ô combien humain et compréhensible, de retrouver ce qui nous apparait aujourd’hui comme la douceur et l’insouciance d’avant. Le demain sera empreint d’une sourde et tenace douleur : nous avons collectivement vécu un choc. Nous ne l’avons pas encore absorbé, digéré, et n’avons pas encore mis en œuvre les actions qui devraient nous permettre de surmonter cette épreuve.